Synopsis / Extraits de Presse / Michel Khleifi sur le film
Synopsis
Dans Kuneitra en ruines se trouve la tombe d’un des combattants pour la Palestine. Son fils tente de reconstituer l’histoire de cet homme, en y mêlant des échos de la mémoire éclatée de sa mère. Il plonge ainsi son regard dans le passé politique très agité de la Syrie des années 30 jusqu’en 1967. La Nuit est un hommage émouvant et fort à ce père mort, à qui Mohamed Malas redonne sa dignité.
Un film puissant et poétique, où les destins des petites gens sont emportés par le courant de l’Histoire. Pourtant La Nuit n’est pas un film historique qui décortique les faits et la réalité. Mohamed Malas y met en scène un enfant, cet enfant qu’il fut lui-même et qui se souvient…
Réalisateur: Mohamad Malas | Scénaristes: Mohammad Malas, Ossama Mohamad | Photo: Yussef Ben Yussef | Montage: Kais Al-Zubeidi | Son: Sophie Bastein | Musique: Vahe Demergian | Interprètes: Sabah Jazairy, Fares Helou, Rafik Sbei’I, Riad Charhrour, Omar Malas, Maher Sleibi, Hazar Awad, Raja Kotrach, Abdulilah Dawleh | Production: National Film Organization, Damas, Syria - Maram for Cinema & Television, Beirut, Lebanon | Co-Production: La Sept Cinema, France, Channel 4, England | Année: 1992 | Couleur, 116 mn, v.o. arabe s.t.f.
Extraits de Presse
Il s’agit d'un très beau poême visuel, faisant revivre (a la manière de l’ècrivain français Marcel Proust) les souvenirs d’un enfant natif de Koneitra, la ville syrienne totalement détruite par l’armée israélienne. ... Mohammad Malas se voit ainsi confirmé comme l’un des plus grands cinéasters actuels du monde arabe. (Walid Hammami, Jeune Afrique, 22 October 1992)
Un film-poème, d’une architecture complexe, il estvrai, et d’une grande charge émotionnelle. (Arabies)
Mohammad Malas a représenté, depuis 1984 (Les Rêves de la ville), la premiere manifestantion d’un cinema d’auteur syrien, un cinema qui refuse l’oubli, qui pratique le rêve pour faire revenir le reel au galop. Pas un cinema activiste, mais proche des gens, pour en faire reconnaitre leur existence, en tant qu’hommes, en tant que femmes. (Le Nouveau Quotidien, 26 Janivier 1993, Suisse)
Assumer l’histoire de son pays exige toujours beaucoup de doigté. Depuis 1984, date de son premier long métrage, Ia critique voit en Iui le rénovateur du cinema syrien. Mohammad Malas tente de conjuguer au present son propre passé et celui de son pays. (La Liberté, 22 Janvier 1993, Suisse)
La nuit est un film torturé qui cherche à lier mémoire individuelle et mémoire collective, une fresque historique éclatée fragmentaire, onirique, fiévreuse, vue à travers le prisme intime de l’enfance. Si les flashes-back ou les scènes rêvées n’y sont pas toujours harmonieusement intégrés, c’est que la forme du film de Malas témoigne des blessures, des traumatismes et de la confusion d’une ville, Kenitra, en proie aux errements de l’histoire. Malgré certaines lourdeurs, La Nuit possède, à travers un réseau d’intrigues pour le moins touffu, un véritable souffle épique. (Thierry Jousse, Les Cahiers du Cinema, Mars 1993)
Ses images raffinées, malgré une évidente pauvreté d’infrastructures, se situent dans la tradition, du maître russe Andreï Tarkovsky, et recréent avec émotion un “Paradis perdu” à jamais. (France Pays Arabe, Novembre 1992)
Dans ce deuxième film, d’un esthétisme extrême malgré une certaine pauvreté de moyens matériels Mohammed Malas poursuit l’introspection de ses propres souvenirs, dans une parabole sur l’enfance, la mère, le père, la ville natale, Kuneïtra détruite par les Israéliens en 1967, et la pertede la Palestine proche, parabole qui résume aussi l’histoire récente de la région, de la grande grève palestinienne de 1936 aux divers coups d’États dans la Syrie des années 50-60. (Le Monde Diplomatique, Novembre 1992)
A travers l’image d’un homme mort en combattant pour la Palestine, un fils essaie de peindre le portrait de son père. Un portrait éclairé sous deux jours différents:celui affectif d’une mère qui tente de rendre vivante, honorable et héroïque l’image de son époux l’autre, émanant de la mémoire collective, teintée d’humiliation et de honte. Le fils, l’auteur du film, tente de lever le voile obscur, le linceul sali qui entoure son père et à fortiori sa ville en ruines qui depuis 1967 est occupée par les Israéliens.
Formidable cri d’amour filial et patriotique, ce film veut déchirer cette nuit de l’oubli dans laquelle la ville de Kenitra est plongée depuis vingt-cinq ans, pour renaître au grand jour. (Festival Des 3 Continents, 30 Novembre 1992)
Malas puise dans son autobiographie en se rétérant à la présence de sa mère: c’est à partir des souvenirs et des rêves de cette femme qu’il dessine le contour de la destinée paternelle. S’il en donne avec une précision de bon chroniqueur les chapitres de base, il ne manque jamais, en outre de rapporter le climat de la vie domestique, des travaux et des jours saisia à l’intérieur d’une vivante lumière. Il compose, de la sorte, le blason d’une patrie par le biais de la sensualité des images plutôt que par leur signification doctrinale ou documentaire. Le combat politique n’offre de sens qu’à tracers une plénitude syntaxipqe quasi charnelle: beauté des femmes, de la nuit sous la lune, d’un jardin après l’orage, d’un fruit, d’une fleur Devant sa caméra l’histoire s’incarne, elle ne gesticule pas en distribuant des messages racoleurs. (Le Matin, 28. Février 1993)
Mohammed Malas est un homme de vérité. Il ne s’est remis ni de la mort prématurée de son père, ni de la destruction de sa ville natale, Kuneitra, par les Israéliens en 1974. Son cinéma imprime le réel et lorsqu’il abandonne le documentaire, c’est au profit d’un cinéma-direct parfaitement poignant.
… Mohammed Malas a quarante-sept ans. Les conditions économiqes difficiles dans lesquelles il travaille réduisent l’ampleur de sa filmographie à trois films. Cependant, il représente, depuis 1984 (“Les rêves de la ville), la première manifestation d’un cinéma qui refuse l’oubli, qui pratique le rêve pour faire revenir le réel au galop. Pas un cinéma activiste, mais proche des gens, pour en faire reconnaîre leur existence, en tant qu’hommes, en tant que femmes. (Mardi, 26 Janvier 1993)
Depuis 1984, date de son premier long-métrage, la critique voit en lui le rénovateur du cinéma Syrien. Mohammed Malas tente de conjuger au présent son propre passé et celui de sonpays. (La Liberté)
La Nuit de Mohamed Malas - par Michel Khelifi
Dès son premier long métrage Les rêves d'une ville en 1984, Malas a imposé sa vision du monde qui explore la mémoire collective à travers celle de l'individu. Dans La Nuit , il va plus loin puisque les personnages regardent les événements historiques depuis leurs lieux quotidiens: boutique, ruelle, balcon, seuil de leur maison et chambres cloîtrées. C'est à partir de la perception de l'enfant que le cinéaste dialogue avec le monde. donc avec nous. Malas nous raconte la chronique de sa ville natale, Kuneitra, proche des frontières de la Palestine où il nous fait vivre pendant la durée du film au rythme des rêves, des peurs, des espoirs des hommes et femmes pris dans le coeur de l'histoire, en plein changement du Proche Orient, entre 1936, date des premières révoltes contre les anglais et les colons sionistes en Palestine, jusqu'en 1967, date de la destruction de Kuneitra par l'armée israélienne qui venait d'occuper les hauteurs du Golan Syrien.
Malas organise son discours autour d'un réalisateur qui se souvient de son enfance, interroge sa mère et va à la recherche du tombeau de son père mort en 1949, un an après la création de l'Etat d'Israël.
La Nuit est basé sur trois dimensions de la mémoire: mémoire racontée par la mère à son fils, mémoire vécue par le jeune réalisateur lui-même, et mémoire désirée par le personnage qui voudrait créer un passé combattant à son père.
Malas déjoue d'abord le piège du film historique qui décortique des faits et leur réalité; il met plutôt en scène un enfant, celui qu'il fut lui-même.
Nous allons suivre la rencontre, le mariage des parents, la naissance d l'enfant/réalisateur, jusqu'à la mort du père. Ce destin familial sera le révélateur attentif du bouleversement politique et social de cette région du monde. Le film va nous transporter dans un autre temps, nous faire découvrir un monde aussi loin de nous mais qui nous devient très proche...
La Nuit est un de ces films qui dévoilent devant les yeux du spectateur un monde qu'on aurait aimé connaître, voir de près. Mais grâce aux yeux de Malas, on sortira du film comme si nous avions vécu à Koneitra, dans ses ruelles, ses nuits, ses maisons, tout proches de ces hommes et femmes qui furent pris dans les tourments de l'histoire contemporaine.
(Michel Khleifi)
Syrie -- 1993 -- 1H55 -- Avec : Sabah Jazairi, F. Al-Helou, Omar Malas
Distinctions
Meilleur Film Carthage '92
Grand Prix de Fribourg '93
Grand Prix de Brugge '93